Par le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018, le Gouvernement s’inscrit dans mouvement amorcé depuis plusieurs années déjà de sécurisation des autorisations d’urbanisme et d’accélération des procédures juridictionnelles. Il anticipe par là-même les mesures poursuivant le même objet et devant être adoptées dans le cadre du projet de loi ELAN (Evolution de Logement, de l’Aménagement et du Numérique).
Le décret du 18 juillet 2018 comporte plusieurs mesures phares qui, pour la plupart d’entre elles, entreront en vigueur au 1er octobre 2018 :
- Le désistement d’office en cas de rejet d’une requête en référé-suspension (article R. 612-5-2 du Code de justice administrative) : Véritable chausse-trappe pour les requérants qui contestent une décision administrative, le désistement d’office s’invite désormais dans le contentieux des autorisations d’urbanisme, mais par-delà celui-ci irrigue désormais l’ensemble du contentieux administratif : désormais, lorsque le requérant tendant à l’annulation d’une décision administrative saisira le juge des référés pour obtenir la suspension de l’acte litigieux, en cas de rejet de cette demande parce qu’il n’y a pas de moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision (et non pas pour un simple défaut d’urgence), il disposera d’un délai d’un mois pour confirmer le maintien de sa requête. A défaut, le requérant sera réputé s’être désisté. La vigilance s’impose donc pour les requérants!
- La modification du contenu de la décision d’autorisation d’urbanisme (article R. 424-5 du Code de l’urbanisme) : A compter du 1er octobre 2018, les décisions accordant une autorisation d’urbanisme (permis de démolir, permis d’aménager, permis de construire, non opposition à déclaration préalable) devront obligatoirement mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable. Il en ira de même pour les certificats de permis tacite ou de non opposition à un projet ayant fait l’objet d’une déclaration (article R. 424-13 du Code de l’urbanisme). Le décret ne prévoit aucune sanction en cas de méconnaissance de cette obligation.
- L’élargissement du champ d’application de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme : Jusqu’à présent, l’obligation de notifier son recours au pétitionnaire et à l’auteur de la décision se limitait aux certificats d’urbanisme, aux décisions de non opposition à une déclaration préalable et aux permis (de construire, d’aménager et de démolir). Désormais, l’obligation de notification va concerner toutes les décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol. Cela inclut donc les recours tendant à faire constater par l’administration la caducité d’une autorisation d’urbanisme, mais aussi les recours tendant au retrait ou à l’abrogation de l’autorisation.
- La réduction des délais pour contester une autorisation d’urbanisme à compter de l’achèvement des travaux en cas d’affichage irrégulier de cette autorisation (article R. 600-3 du Code de l’urbanisme) : Le Gouvernement a décidé de réduire le délai pour pouvoir contester une autorisation d’urbanisme à compter de l’achèvement des travaux en cas d’affichage irrégulier de cette autorisation. Il passe de 1 an à 6 mois. Cette réforme permet de renforcer la sécurité juridique pour des opérations de construction achevées.
- L’obligation de joindre à la requête contre une autorisation d’urbanisme un acte de nature à établir l’intérêt pour agir du requérant (article R. 600-4 du Code de l’urbanisme): Désormais lorsque le requérant déposera sa requête, il devra veiller à y joindre tout acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien (titre de propriété, promesse de vente, bail, …). A défaut, le juge sera en droit de rejeter la requête sans aucune mise en demeure de régulariser la situation.
- La cristallisation automatique des moyens invocables en matière de contestations d’autorisations d’urbanisme (article R. 600-5 du Code de l’urbanisme): Désormais, à compter de l’enregistrement du premier mémoire en défense (soit le mémoire du pétitionnaire, soit le mémoire de l’administration), le requérant disposera d’un délai de 2 mois pour invoquer de nouveaux moyens. Passé ce délai, cette faculté ne lui sera plus possible sauf à ce que la juridiction ne fixe une nouvelle date de cristallisation des moyens!
- L’encadrement des délais de jugement pour les projets de construction importants (article R. 600-6 du Code de l’urbanisme) : Le nouvel article R. 600-6 du Code de l’urbanisme prévoit que pour le cas précis des recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement, les juridictions administratives de premier et second degré devront statuer dans un délai de 10 mois.
- La délivrance d’attestations de (non) recours à l’encontre des autorisations d’urbanisme (article R. 600-7 du Code de l’urbanisme) : En vue de renforcer l’information en matière d’existence ou non de recours contentieux contre des autorisations d’urbanisme, le Gouvernement a prévu qu’à la demande de toute personne, le greffe de la juridiction d’appel ou du Conseil d’Etat délivrera une attestation indiquant l’absence de recours ou, au contraire, l’existence de recours contentieux contre la décision d’urbanisme.
Guillaume MERLAND
Avocat au Barreau de MONTPELLIER
Maître de Conférences des Universités